Couleurs de l’incendie, expérience validée


Roman / mardi, février 27th, 2018

« On rit, ha ha ha, Gustave n’était pas plus drôle que l’an passé, mais c’était l’an passé. »

Suite de l’expérience Péricourt. Pierre Lemaître poursuit son grand récit avec les Couleurs de l’incendie et maltraite cette fois-ci la sœur. Le sort s’acharne contre cette pauvre Madeleine qui, comme pour justifier son prénom tristounet, perd deux fois son frère, enterre son père et assiste à la tentative de suicide grotesque de son petit garçon.

Une chose est sûre, Lemaître est un excellent marionnettiste. Chacune des actions de ses personnages est sciemment calculée pour parvenir à un résultat. C’est rapide et efficace. On valide une hypothèse, on en réfute une autre. Car c’est finalement de ça qu’il s’agit : une expérimentation jusqu’à épuisement total des sujets. Un thème zolien, en plus moderne et plus grinçant.

Le cynisme dont fait preuve Lemaître constitue d’ailleurs le point d’équilibre des Couleurs de l’incendie. De la distanciation créée naît la complicité auteur-lecteur dans laquelle il est tentant de se vautrer. On rigole, on s’offusque, on compatit de ce que ce bon copain de Pierre raconte. Le tour de passe-passe fonctionne à chaque fois, c’est presque mathématique. Mais il marque peut-être aussi les limites d’une écriture codifiée dissimulant la manipulation d’un lectorat qui ne demande qu’à y croire.

Lire le dernier paragraphe du roman

« Quant à Madeleine et à Dupré, ils continuèrent de se voussoyer, ils le firent toute leur vie. Il disait ‘Madeleine’. Elle disait ‘monsieur Dupré’, comme une femme de commerçant en présence de la clientèle. »