Faire mouche, réunion de famille dégénérée


Roman / dimanche, mars 4th, 2018

« Je lui racontai qu’un jour ma mère m’avait donné à boire de l’eau de Javel. »

Il aura fallu moins de cent cinquante pages à Vincent Almendros pour plomber royalement l’ambiance. On savait déjà que son personnage principal se rendait au mariage de sa cousine en traînant des pieds. On était encore loin d’imaginer l’étendue réelle du malaise.

Faire mouche se lit d’une traite, comme on écouterait une histoire d’horreur autour du feu. Ça commence avec le retour au bercail de Laurent. Qui demande à son ex-coloc de se faire passer pour sa copine. Qui renoue avec sa famille de ploucs dégénérés. Qui vit trois jours aussi étouffants pour lui que pour nous. Ça fleure bon les chaussures vernies dans la gadoue et la montagne de secrets inavouables, les esprits agités et l’angoisse des réunions de famille.

Et si le contexte ne suffisait à rendre de compte de l’évolution du supplice, Almendros enfonce le clou à grands renforts d’images organiques claquées à l’imagination du lecteur suffoquant : mouches mortes au pied des fenêtres, langue de bœuf en ragougnasse, cadavre de chien en plein processus de décomposition, corps malades du troisième âge, odeur putride des lacs. Écœurement maximal. Oppression insupportable. Dénouement étourdissant.

Lire le dernier paragraphe du roman

« Je ne mentais pas. Mais comment lui expliquer ? Comment lui expliquer que nous nous étions disputés, Constance et moi. Que je l’avais bousculée. Que j’avais dû louer cette grosse voiture et que j’avais avancé au hasard, dans la nuit, jusqu’à cette forêt non loin de Paris. Mais où, exactement ? J’étais incapable, aujourd’hui, de me rappeler avec précision où j’avais creusé le trou. »