« Mon frère avait presque cinq ans, j’étais plus jeune d’un an et un jour, comme les objets trouvés. »
Ce qui devait être un simple exercice d’écriture s’est mué en introspection purgative. Si l’on devait résumer Les Rêveurs, il faudrait évoquer cette succession de tableaux douloureux dépeints avec recul. Isabelle Carré ne tient pas rigueur des aléas de la vie, et c’est ce qui confère à son roman une délicatesse touchante.
Les rêveurs sont ceux qui persévèrent malgré les taquets de la vie. Ils rêvent de devenir majorette ou pilote de ligne. Ils rêvent à un amour gâché ou impossible. Ils rêvent de liberté, de stabilité, de faire partie d’un tout et d’exister enfin. Mais jamais ils ne s’apitoient sur leur sort. Avec une forme de résignation irrésolue, ils savent qu’on ne réussit jamais mieux que ses rêves mais qu’il est permis d’essayer de les concrétiser.
Roman de la résilience et du pardon, Les Rêveurs attriste mais ne cesse de rebondir. Les mots choisis avec simplicité déroulent un flot de souvenirs bruts, sans chronologie et sans tricherie. Et c’est finalement sans rancœur, avec beaucoup de subtilité, d’humilité et la distance nécessaire au bilan qu’Isabelle Carré livre un récit d’une justesse absolue et d’une beauté songeuse.
« Le passant s’est éloigné, je l’ai perdu dans la nuit. Ce n’était peut-être qu’une ombre, comme un reflet, ou juste un souvenir, un très vieux souvenir de nous. »