Les Grandes Marées, grandir et balayer ses préjugés


Roman / mardi, mai 1st, 2018

« Je pense qu’il est plus facile d’ouvrir les yeux quand on est enfant. On n’est jamais pressé d’aller quelque part, on n’a pas ces longues listes de choses à faire, comme vous autres. »

C’est un cours de biologie marine passionnant doublé d’une fable attachante sur le passage à l’âge adulte. Les Grandes Marées envahissent les plages comme elles submergent Miles à l’aube de l’adolescence. Et c’est avec beaucoup de légèreté que Jim Lynch déroule sa métaphore. Sans aucun filtre, le récit profite d’une spontanéité rafraîchissante, parfois drôle, parfois grave, toujours sensée.

Les Grandes Marées se lisent comme une invitation à la redécouverte. Laissons de côté nos préjugés et observons la mer d’un œil nouveau. La caution scientifique incarnée par un enfant de 13 ans apporte ce qu’il faut de charme au récit pour autoriser Lynch à distiller discrètement des informations qui devraient remettre à leur place les âmes débordant de certitudes. Les océans abritent 80% de la vie sur Terre et demeurent inexplorés à près de 90%. À ce stade, nul autre choix que de se sentir tout petit et de faire preuve d’humilité.

Le ton n’est jamais moralisateur dans Les Grandes Marées. Lynch prend toujours soin de laisser suffisamment de place à l’enchaînement des réflexions suscitées chez son lectorat. Grandir scelle les esprits dans des carcans trop étroits que Miles desserre avec bienveillance et desquels les adultes s’extirpent consciemment. De ce point de vue, Les Grandes Marées accordent à chacun une pause, un temps de rétrospection permettant de comprendre qu’il n’est pas trop tard pour les idéaux oubliés.

Lire le dernier paragraphe du roman

« En baissant les yeux, je vis sur la droite des centaines de méduses qui palpitaient, puis des milliers d’autres sur la gauche, un amas infini de fleurs translucides et festonnées, si serrées qu’elles modifiaient leur texture et la couleur de la mer sous les rayons argentés du soleil oublié. Plus je les regardais, plus elles étaient nombreuses. Des galaxies et des galaxies de méduses sans cervelle, qui dérivaient au gré du puissant courant, enserrant le canoë et nous entraînant vers le large. »