« Je m’étais battu car j’avais compris sans le vouloir que contrairement à mon père dont la destinée avait été de vivre porté par les clameurs, le mien était de rester parqué dans les gradins avec la foule et d’acclamer les autres. C’était mon sort, mon destin, ma fin que d’être un supporter. »
Fred Exley est un loser. Un ivrogne, un parasite. Arrogant, tire-au-flanc, nonchalant, spécialiste du Yodel, ne vivant que pour les Giants, la Blonde de Vassar, les zincs poisseux et ce bouquin qu’il peine tant à écrire qu’il préfère encore recopier des pages entières d’À la recherche du temps perdu plutôt que d’avouer son incapacité à pondre quelque chose de lisible.
Le Dernier stade de la soif résulte de toutes ces années d’échecs. Mieux encore, il les détaille. Exley, persuadé que l’avenir lui appartient, déroule le fil de ses trop nombreuses déconvenues. On croit à une blague, personne ne peut semer autant de chaos dans sa propre vie. Mais Exley est un champion. Chaque décision prise entraîne un raté, une crise de paranoïa et un séjour à Avalon Valley.
Autant d’acharnement au naufrage ne peut que susciter l’admiration. Exley, ce taré d’alcoolique heureux de porter les mêmes pulls tricotés que son chien, a en effet une excellente raison de s’auto-saboter. Pris en étau entre ses idéaux anticonformistes et cette Amérique aussi lisse qu’une réclame publicitaire, Exley sait qu’il est seul contre tous. Piégé, il ne lui reste qu’une solution pour étancher sa soif désespérée de vivre : tirer un trait sur ses rêves et s’efforcer d’embrasser ceux des autres par procuration. Comment, alors, ne pas sombrer dans la folie ?
« La nuit tombe, le sommeil m’engouffre, puis survient le rêve et ce voile d’un noir profond. Et lorsque la vision me revient, je me retrouve, prêt au combat, obsessionnellement en train de courir, de courir. »