« Je me dis que je suis un peu coupable. De ce qui m’est arrivé, de ce dont je ne me souviens pas, de ce qui s’est passé après que l’homme à la boucle d’oreille m’a dit Ne bouge pas. »
Il suffit d’une première phrase menaçante pour entrevoir ce que nous réserve ce roman. D’un premier chapitre de quinze lignes pour comprendre le récit glaçant que s’apprête à livrer Arnaud Dudek. Trente secondes de lecture et Tant bien que mal a déjà posé le sujet : A., sept ans, monte dans la voiture d’un inconnu et disparaît dans la forêt le temps de l’insoutenable.
Tant bien que mal, ce sont moins de cent pages effroyables durant lesquelles Dudek évoque l’indicible : le viol d’un enfant et le traumatisme durable qui en résulte. Luttant pour ne jamais tomber dans le scabreux, il privilégie les silences, les phrases courtes et les sous-entendus pénétrants. Les paragraphes très courts se lisent au bord de l’asphyxie. De temps en temps, quelques pauses éclair autorisent une minuscule bouffée d’air.
Et pourtant, malgré la monstruosité du propos et les efforts de Dudek pour lui offrir la consistance nécessaire, on ne peut s’empêcher de se sentir flouer. À force de délicatesse, l’énonciation finit par manquer de puissance. Tant bien que mal succombe à un excès de pudeur et c’est avec un fort sentiment de culpabilité, eu égard à la gravité du sujet abordé, qu’on sort agacé de cette lecture, irrité de ne pouvoir accorder au roman autant de crédit qu’on l’aurait souhaité.
« Le soir, je retrouve K. Sa peau est chaude. Elle se serre contre moi. J’ai eu des débuts difficiles. J’ai rangé mon trou noir au fond d’une poche. J’ai enfanté un horizon. Il y a devant moi un bonhomme à faire grandir et une belle meute de mots à écrire. Penser à continuer d’avancer. Pour le reste on verra bien. N’ajoutons rien. »