Le Bruit et la fureur, au bord de l’épuisement


Roman / samedi, juillet 21st, 2018

« une malédiction pèse sur nous ce n’est pas notre faute est-ce que c’est notre faute »

Le Bruit et la fureur porte bien son titre. De cette symphonie infernale, on retient les hurlements inhumains de Benjy, le flot de pensées décousues de Quentin, la colère ruminée de Jason, l’inertie découragée de Mrs Compson, la déchéance désabusée de Caddy, le climat nauséabond qui règne dans un Etat confédéré où le racisme fait ordinairement partie du quotidien.

Les voix qui s’élèvent sous la plume de William Faulkner sont maudites. Et malheur aussi à celui qui prendrait la peine de les écouter. La cacophonie est assourdissante, la lecture démesurément lente et pénible. Quiconque ose parler est sans cesse interrompu, chaque plaignant s’époumonant à couvrir les lamentations des autres. Il faut avoir le cœur accroché et l’esprit déterminé pour accepter de recueillir cette masse indigeste de doléances jusqu’au point final.

Il faut attendre les soixante dernières pages pour profiter d’une très légère accalmie. Mais ce retour tardif à l’écriture standardisée ne suffit pas à reconquérir celui que Le Bruit et la fureur a malmené dès les premières lignes du récit. Éreinté, soulagé d’en voir enfin le bout, on ressort de cette lecture submergé d’impressions confuses, convaincu d’avoir lu une œuvre magistrale, persuadé de ne plus jamais rouvrir un Faulkner.

Lire le dernier paragraphe du roman

« La voix de Ben n’était que rugissements. Queenie se remit en marche, et, de nouveau, ses pattes reprirent leur clic-clac régulier. Ben se tût aussitôt. Luster, rapidement, jeta un coup d’œil derrière lui, puis continua sa route. La fleur brisée pendait au poing de Ben, et ses yeux avaient repris leur regard bleu, vide et serein, tandis que, de nouveau, corniches et façades défilaient doucement de gauche à droite ; poteaux et arbres, fenêtres et portes, réclames, tout dans l’ordre accoutumé. »