« Chaque fois que je te vois, chaque fois je les vois, tous les trois, sous la lampe jaune, chaque fois que je te vois c’est les trois saloperies que je vois, c’est comme si c’était toi qui m’avait battue, violée, c’est pas moi ta mère, t’entends !… Ta mère c’est les trois saloperies. »
Ludo, c’est qu’un emmerdement. Il est sournois, maboul, nigaud, timbré. Sûr qu’il a le singe. Sa mère n’a pourtant pas chaumé. Enceinte, elle a tout essayé pour l’évacuer. Rien à faire, celui qu’on appelle (in)volontairement Lidio s’est accroché. Il a même eu l’audace de survivre à une chute dans les escaliers, l’imbécile. Son crime ? Être né de noces barbares, doux euphémisme couvrant le viol de Nicole.
Récit en trois parties de l’enfance de Ludo, Les Noces barbares sont un condensé de violences verbales, psychiques et physiques. Ce pauvre Ludo essuie en continu les reproches, le mépris, la méchanceté gratuite de ceux qui l’entourent. Ils viennent de grands-parents ignares, d’un demi-frère bourru, d’un beau-père faiblard, d’une cousine frustrée. Plus cruels encore, ils émanent d’une mère brisée, injuste, seulement capable d’éprouver de la haine pour cet indésirable.
De son côté, Ludo n’abandonne jamais. C’est dans cette force de persuasion que Yann Queffélec concentre toute la puissance des Noces barbares. Volontairement bercé d’illusions du début à la fin, l’enfant n’en démord jamais : sa mère l’aime. Il ne peut en être autrement, il a craché dans son café le matin, peint son visage sur les quatre murs de sa chambre, coupé le bout de son doigt selon les rituels indiens, confectionné un collier de coquillages. Mais est-ce suffisant ? Touché par les agressions permanentes qu’encaisse Ludo, on voudrait y croire. On pressent pourtant que rien de positif ne peut plus naître de cette relation mère-fils. Déchirant.
« Il commençaut à avoir mal au cœur, mal au corps, il respirait de plus en plus mal et frissonnait d’épouvante à la vue des rouleaux qui blanchissaient l’ombre devant lui. « J’ai peur », murmura-t-il en passant les deux bras autour de sa mère ; puis il se laissa couler dans les remous qui menaient droit sur la déferlante. »