La Belle Sauvage, pavé trop court


Roman / jeudi, juin 27th, 2019

« Sans doute que l’interdiction de toucher le dæmon d’une autre personne s’appliquait également aux bébés. En tout cas, jamais, après ces quelques minutes, il n’aurait imaginé faire quoi que ce soit qui puisse bouleverser cette petite fille. Il était son serviteur pour la vie. »

Avant Lyra et Will, il y eut Malcolm et Alice. Pour qui a grandi aux Royaumes du Nord, la perspective d’une aventure préquelle suscite autant d’excitation que de nostalgie. Avec sa Trilogie de la Poussière, Philip Pullman accorde à ses premiers lecteurs une nouvelle virée en Britannia. Première étape : La Belle Sauvage, du nom de l’arche de fortune qui échappa au Magisterium dix ans avant le voyage de Lyra et Pan.

Qu’il est électrisant de retrouver ce monde si proche et si différent du nôtre ! De côtoyer une fois de plus dæmons, aléthiomètre, Érudits et Poussière. De redouter CDC, séparation et Mme Coulter. De craindre, plus encore, scientifiques fous et dæmons estropiés. Pullman sait raconter des histoires. Son imagination déborde, son macrocosme est riche, ses personnages, attachants. Vingt ans après Les Royaumes du Nord, la magie opère presque instantanément.

Presque. Hélas, La Belle Sauvage pâtit de son statut de premier tome. L’intrigue est longue à se mettre en place ; il faut avaler la première moitié de l’ouvrage avant de se sentir réellement happé par la folle équipée. Une construction qui fait naître un sentiment trouble. Les chapitres consacrés au merveilleux semblent trop peu développés alors même que l’univers entier de Pullman est structuré par le fantastique. Le canoë de Malcolm accoste et quitte aussitôt des îles – trop peu nombreuses ? – sur lesquelles on aurait aimé s’attarder.

Frustré et déçu de n’avoir pas lu grand-chose du voyage de Mal et Alice en comparaison de la taille du roman, on se demande s’il n’aurait pas mieux valu attendre la parution des deux prochains volets et tout engloutir d’une traite. Mais ne serait-ce pas pêché de gourmandise ?

Lire le dernier paragraphe du roman

« Malcolm ne tenait plus debout. Alice le retint et l’allongea sur le tapis turc. Le Maître referma la porte. Dans le silence soudain, Lyra se mit à pleurer. »