Le Magasin des Suicides, incontrôlé et incontrôlable


Roman / mercredi, juin 6th, 2018

« – Qu’est-ce que vous vouliez, vous ?! – Une corde pour me pendre. »

Chez les Tuvache, on est commerçant de père en fils. Cordes de chanvre, fioles de belladone, tanto et kimono folklo, bonbons fourrés au cyanure : dans un monde post-apocalyptique victime d’une catastrophe environnementale dont personne ne se relèvera, tous les moyens sont bons pour mettre un terme à sa triste vie. Et avec style, s’il vous plaît.

C’est avec beaucoup de cynisme que Jean Teulé dépeint sa société en négatif. Le Magasin des Suicides considère le bonheur comme un affront. « Vous avez raté votre vie ? Réussissez votre mort ! », peut-on lire sur les sacs en plastique de la boutique. Pochons si résistants qu’ils soulagent les SDF du poids de la tourmente une fois bien serrés autour de leur cou. On n’oublie surtout pas de recycler, même en période de désastre écologique.

On ne peut que grincer des dents à la lecture de cette dystopie suffisamment déprimée pour baptiser ses personnages selon de célèbres suicidés. Mishima, Lucrèce, Vincent, Marilyn, Alan : Le Magasin des Suicides se permettrait presque une petite leçon de culture gé. Mais ce qui semble parfois relever d’une créativité inédite finit par succomber à la théâtralité appuyée. On regrette que Teulé se laisse si souvent dépasser par son sujet, accouchant d’une farce incontrôlable dont on a perdu le fil depuis longtemps.

Lire le dernier paragraphe du roman

« Leur bonheur à tous, foi soudaine en l’avenir, et ces sourires radieux à leurs faces, c’est l’œuvre de sa vie. À deux mètres de lui, sa sœur est hilare. Mme Tuvache le regarde s’approcher comme si elle voyait soudain sa mère arriver sous le préau de l’école. La mission d’Alan est accomplie. Il ouvre sa main ! »